MALAWI
Je continue les articles à charge, pardonnez-moi. Ici, comme au Sénégal d’ailleurs, pas un village, pas un hameau sans un panneau à la gloire du ou des « projets humanitaires » financés par l’Union Européenne, le gouvernement Britannique, les Américains ou même des particuliers bienfaiteurs de l’humanité. Tantôt le développement d’une petite association pour le travail des femmes du village, tantôt la construction d’un orphelinat, tantôt un projet de mutualisation des semences ou des récoltes. Sûrement de bonnes idées. Sûrement de bonnes intentions. Malheureusement, sur nos vélos on voit les locaux déserts, le bâtiment de l’orphelinat reconverti en moulin à grain (les enfants sont dans un autre village, plus loin nous dit-on). Quand au travail des femmes, voilà une idée bien européenne qui nous plait à tous. Nous avons dormi dans une Resthouse, une sorte de mini hôtel sommaire pour les autochtones où les pris sont très bas. Un beau projet, financé par un particulier anglais. A l’entrée de cette Resthouse dénommée « la maison des femmes », une plaque à la gloire du généreux donateur « Un homme qui a passé sa vie à aider les autres ». A l’intérieur, une salle de conférence, une petite salle avec quelques vieux ordinateurs, une petite boutique et des chambres. A l’accueil : un homme, à la boutique : un homme, le gardien : un homme. Mais où sont les femmes du village ? Le responsable de la structure nous répond « elles viennent deux fois par semaine pour suivre des cours d’informatiques. » On n’a pas insisté, pas demandé combien elles étaient ni à quoi leur serviraient ces cours d’informatiques. Nul doute que ce projet correspondait à un besoin réel du village. Après tout, le Malawi est un pays pauvre, les gens ont besoin d’être aidés. Certainement. Peut-être. En tout cas pas comme ça, pas n’importe comment, sans suivi, sans comptes à rendre. Sinon le message que l’on fait passer c’est continuez à tendre la main, à inventer des microprojets aux noms porteurs (collectif pour les femmes du village, écologie, développement durable sont des mots qui font mouche en Europe et que l’on retrouvait fréquemment sur les panneaux des projets au Sénégal) et l’argent arrivera tout seul sans réelle contrepartie.
Quand à nous les touristes, je persiste à penser qu’il est inutile de venir les bras chargés de stylo ou de tee-shirts. Ca ne va jamais aux bonnes personnes. On laisse le tee-shirt à notre guide, au gérant de notre hôtel, on donne voir on jette par la fenêtre de notre 4×4 un stylo à des bouts de choux de 2 ans sur le bord des routes. Mais que va-t-il faire avec le stylo ce gamin ? Sur quoi va-t-il écrire ? En quoi sa vie va être améliorée ? Quand aux guides, aux hôteliers, ils travaillent bon sang, ils gagnent leur vie, pourquoi diable continuer à penser que l’Afrique a besoin qu’on lui donne des trucs dont elle n’a pas besoin, des trucs d’ailleurs qui vont être revendus aussi vite que possible à ceux qui en auront vraiment besoin. Croit-on vraiment que l’on a été utile en distribuant nos surplus lors de nos voyages ? Croit-on vraiment que ce saupoudrage a un sens, qu’il aide vraiment quelqu’un ? N’est-ce pas simplement une façon de se donner une bonne conscience face à cette misère qui nous dérange lorsqu’elle est trop près de nous ?
Vous me direz que doit-on faire alors ? J’aurai envie de dire : les laisser tranquille ces gens, arrêter de faire du profit sur leur dos, arrêter de payer un safari 400 euros lorsque 5 euros reviennent au chauffeur et 200 euros à l’hôtel appartenant à une entreprise sud-africaine ou européenne, arrêter d’avaler les couleuvres que les intermédiaires, les grandes surfaces veulent nous faire avaler. Mais tout ça ce sont des utopies, des réflexions un peu puériles, des idées un brin naïves alors je ne sais pas. Je n’ai pas la réponse. Mais je peux vous dire en tout cas, pas ça, pas comme ça, pas comme au Malawi, pas comme au Sénégal, ça ne rend service à personne.