Tous ceux qui sont allés en Chine l’ont remarqué : ici tout le monde crache. Après un profond raclement de gorge, hommes et femmes crachent par terre à tout moment de la journée. Parfois le sol, c’est la rue, parfois le plancher du restaurant ou du train. Aucune importance. Il faut juste veiller à ne pas cracher dans la direction de quelqu’un, ce serait l’offenser gravement. On a lu que le gouvernement voulait mettre un terme à cette pratique et il semble qu’à Pékin et dans les grandes villes les habitudes commencent à changer. A l’évidence on n’a pas été dans des assez grandes villes.
On trouve partout des cantines. Sur le bord des routes, dans les villages ou dans les grandes villes on peut y manger pour trois fois rien. C’est souvent un plat unique, les Laghmans, les spaghettis que l’on connaît depuis l’Ouzbékistan. Ici ils sont servis avec une préparation de légumes et quelques morceaux de viande grasse, celle que Claudine adore…
A chaque oasis que nous rencontrons dans le désert nous nous arrêtons pour manger et y faire une pause à midi ou le soir avant d’aller chercher un endroit où planter la tente. On y commande un plat ou un bol suivant la quantité souhaitée. Le serveur nous amène également du thé. Pour manger on utilise les baguettes en bois jetables qui sont dans un pot présent sur toutes les tables. Pour s’essuyer la plupart des gens du désert utilisent leurs vêtements, mais de temps en temps il y a un rouleau de PQ que l’on se fait passer de table en table. Au sol, il y a l’inévitable crachoir qui ne sert pas toujours. Le sol est à chaque fois sale. Tous les restes sont jetés par terre, et personne ne balaie jamais. Même la table est rarement nettoyée. Entre deux clients, les serveurs débarrassent mais passent rarement un coup d’éponge. Enfin ce n’est pas vraiment une éponge qu’ils passent, plutôt un torchon crasseux humide multi usage qui étale la graisse sur toute la table. Avant de manger, tout le monde va se laver les mains à l’extérieur. Comme en Ouzbékistan et au Kirghizstan il n’est pas alimenté par un tuyau d’eau mais possède un réservoir qui est rempli à la demande. Pour payer, on se dirige vers un petit bureau dans un coin de la pièce ou carrément à l’extérieur. Pour deux grands plats de Laghmans et du thé nous ne payons jamais plus de 10 Yuans (1 €) à nous deux. Repas idéal pour les sportifs que nous sommes devenus et prix imbattables !
A Kashgar, nous étions à peu près à mi-parcours de notre trajet. Les vélos avaient souffert sur les routes chaotiques et poussiéreuses du Kirghizstan. Une révision s’imposait. Nous avons trouvé en ville un magasin de la marque de nos vélos. Olivier a fait changer plusieurs pièces endommagées, à acheter un nouveau compteur kilométrique pour remplacer celui que nous avions perdu. Les vélos ont été confiés 48 heures pour être démontés, graissés, lubrifiés et remis à neuf pour la somme de … 16 €. Imbattable ! Véritable paradis pour les cyclistes, le magasin exposait des modèles de vélos pliables, ainsi que des vélos électriques qui font fureur en Chine. Et il s’en est fallu de peu pour qu’Olivier explose le budget et dépense 70 € pour changer le cadre de son vélo en un cadre de compétition ultra léger.
Ici les prix des vélos défient toute concurrence : c’est à savoir pour un prochain voyage. Avis aux amateurs !
Dans cette région de l’ouest de la Chine, la population étant pour la plupart musulmane, tous les panneaux de signalisation routière et toutes les enseignes sont écrits en chinois et en arabe. Cette écriture arabe est assez étrange ici car leur langue fait partie des langues turques ou d’Asie Centrale qui utilise notre alphabet.
Arrivés en Chine par l’extrême ouest nous avons séjourné dans la ville de Kashgar environ quinze jours pour rédiger notre carnet de voyage, mais surtout pour qu’Olivier se refasse une santé. Un passage à l’hôpital de la ville confirma le diagnostique pulmonaire, mais les médecins voudront le garder en quarantaine. Après un test négatif de la grippe aviaire, nous avons dû tenir tête aux autorités chinoises pour que sa convalescence ait lieu à l’hôtel. L’aventure s’est bien terminée : vous aurez le récit détaillé dans le carnet de voyage sur le Xinjiang.
Avant de repartir en pleine forme, nous avons affiné notre itinéraire en choisissant finalement d’emprunter la route méridionale pour traverser le désert de sable du Taklamakan. Nous espérions, en faisant ce choix, avoir de beaux points de vue sur les montagnes plus au sud. Malheureusement les vents de sable réduiront considérablement notre visibilité.
Pour ce trajet à vélo entre Kashgar et Hotan nous avons dû nous organiser pour gérer les provisions en eau et en nourriture.
Ensuite avant de regagner la frontière mongole, nous rejoindrons Urumqi en bus couchettes, puis Jiayuguan pour voir l’extrême ouest de la muraille de Chine et Hohhot pour faire notre visa. Enfin nous remontrons sur nos vélos pour atteindre la frontière.
KIRGHIZSTAN
Il faut savoir que depuis la Turquie, il a de nombreuses tâches qui reviennent d’office à Olivier : négocier un prix, payer, protester et même aller demander un renseignement, un service à un homme. Bref, tout ce qui est du domaine de la communication.
Quelques exemples marquants :
Il est arrivé qu’en demandant notre route, ma question reste sans réponse jusqu’à ce que je décide de demander à une femme ou qu’Olivier s’en mêle.
Les hommes saluent Olivier en lui serrant la main, moi, si j’ai droit à un regard, c’est déjà bien. Un jour, après avoir voyagé six heures en compagnie d’autres passagers, au moment de nous séparer tout le monde a salué Olivier et … tout le monde m’a ignorée !
Les hommes s’adressent à Olivier pour nous questionner sur notre parcours, sur notre nationalité. Même très malade, c’est lui qui doit répondre aux questions. Pour celles concernant notre âge, je dois me rajeunir de plusieurs années : avoir une femme plus vieille, cela n’est pas très bien vu… Déjà que lorsque nous disons que nous n’avons pas encore d’enfants, les hommes regardent Olivier avec compassion, leur regard lui conseillant clairement de changer de femme ! Cool.
En traversant les villages, nous sommes accompagnés par des villageois à vélo qui nous suivent. Olivier est assailli de questions : en plein effort, je suis contente qu’ils se contentent de rouler à mes côtés, sans m’adresser la parole. Et lorsque je m’arrête pour attendre Olivier, beaucoup de gens se regroupent autour de moi, mais ne me parleront pas. Dès son arrivée, Olivier aura, lui, à satisfaire leur curiosité.
Par contre au marché, c’est moi qui choisis mes produits, qui les goûte et qui les paye. Même si nous sommes tous les deux, c’est à moi qu’on va s’adresser. Mais heureusement, il n’y a pas que ça… Etre une femme m’ouvre d’autres portes, en particulier celles des femmes. Elles aimaient m’attirer pour se retrouver seules avec moi. La confidentialité les rend très curieuses et même si le langage est un obstacle, les efforts mutuels conduisent à des échanges joyeux. J’ai pu ainsi partager avec elles leur quotidien avec leurs enfants, découvrir leur façon de cuisiner ou d’entretenir leur habitation.
Entre février 2009 et octobre 2011, Claudine ARNAUD et Olivier BOROT ont mis de côté leurs situations professionnelles pour vivre une parenthèse sur les routes du monde. Près de 15000 Km à vélo sur 4 continents. 20 pays traversés et des étapes inoubliables avec les caravaniers de l’Azalaï au Mali, les tribus de Tanzanie ou les éleveurs de rennes de Sibérie. Ils racontent aujourd’hui leurs aventures dans un recueil de carnets de voyages et dans leurs films qu’ils projettent en conférences partout en France.