Dans le campement, lorsque les hommes ont besoin d’un renne à atteler ou à monter, ils réunissent les rennes dans le grand enclos et attrapent au lasso celui ou ceux qu’ils veulent. Olivier a voulu s’entraîner à cet exercice très difficile, mais il s’est exercé sur un tronc immobile plutôt que sur un renne lancé au grand galop.
La nuit, le feu s’éteint. Dans un tchoum il faut mettre plusieurs buches dans le poêle toutes les 30 minutes, alors la nuit il n’y a pas de feu. Le matin il fait froid. Il y a eu des nuits à -30°C. Même emmitouflés dans nos duvets avec d’autres couvertures par-dessus, l’air que l’on respire brûle. Le bout du nez qui est à l’air libre semble mordu par le froid alors on l’enfouit lui aussi sous une couverture. Le premier qui se réveille ou qui a le courage de quitter le cocon chaud du duvet, allume le poêle à l’aide des copeaux de bois et des écorces sèches de bouleau que l’on a préparé la veille. La température se réchauffe et tout le monde profite d’une heure supplémentaire de repos dans la chaleur en écoutant l’eau gelée dans la théière fondre puis crépiter lorsqu’elle boue. Tout le monde se lève alors (nous sommes 5 par tchoums) et nous prenons un petit déjeuner composé du repas de la veille réchauffé et de pain et beurre.
La journée est ensuite rythmée par les tâches à accomplir. Il y a une femme par tchoum qui est en charge de l’intérieur, de l’intendance, des réparations, de la couture et surtout de la nourriture et du thé. On mange plusieurs fois par jours, toutes les 2 à 3 heures, des pâtes, du riz et de la viande de renne à tous les repas. A l’extérieur, les hommes s’occupent de couper du bois, réparer les traineaux, rassembler les rennes. Ils partent parfois dans le froid « faire une course » sur leur traineau. Par course, il ne faut pas entendre acheter quelque chose car le village est à 30 km, mais aller rencontrer quelqu’un à un campement voisin, livrer des peaux ou chercher des vêtements ou du matériel laissés en dépôt dans un précédent campement. Quand il fait -30°C, les hommes restent le moins longtemps possible à l’extérieur. Entre deux coups de hache ils viennent se réchauffer près du poêle et fumer une cigarette avant de repartir dans le froid. Même bien équipés, c’est difficile de rester statique dehors pendant une longue période.
Le soir, tout le monde se retrouve pour écouter les nouvelles sur le mini poste de radio qui reçoit en crépitant « Radio Russie » et pour discuter à la C.B. avec les voisins ou avec les membres de la brigade restés au village. Après le repas puis une partie de cartes ou de mots croisés, tout le monde déplie les peaux de rennes que l’on pose sur les branches de sapin qui jonchent le sol pour nous isoler du froid et nous nous emmitouflons dans nos duvets pour la nuit.
Le chef de la brigade qui va nous accueillir est inquiet. Il regarde notre équipement, nos bonnets, nos gants, nos chaussures spéciales hiver et secoue la tête. “ Il fait -25 C, la nuit la température est encore plus basse, vous avez de bons duvets au moins ?” me demande-t-il. Nous avons des duvets prévus pour de telles températures qui ont déjà fait leurs preuves alors je réponds par un oui convaincu. Il me montre nos vêtements et me dit qu’ils ne sont pas assez chauds puis il s’entretient avec les autres personnes présentes et plusieurs hommes sortent de la pièce où nous sommes tous réunis. Apres un moment, nous partons avec sa femme acheter la nourriture dont nous aurons besoin pour les semaines que nous allons passés sous les Tchoums, les Tipis de Sibérie, avec les enleveurs de renne de la brigade n°7. A notre retour, un équipement complet nous attend : chapka en fourrure, manteau et bottes traditionnelles pour Clau ; surpantalon et blouson chaud, bottes et bonnet en laine pour moi. On enfile tout ça par dessus nos vêtements et on sort vite a l’extérieur dans le froid avant d’étouffer !
Nous avions déjà testé le couchsurfing en Afrique du Sud, et nous avons réessayé en Russie. Le principe : via le site www.couchsurfing.org des gens proposent un couch (un canapé) chez eux pour héberger quelques jours les voyageurs de passage. Certains n’ont pas de canapé mais proposent de vous faire visiter leur ville ou simplement de boire un verre. Une communauté se forme ainsi et en s’inscrivant on peut à la fois proposer un canapé pour héberger des visiteurs et profiter de canapés dans le monde entier. Outre les économies de nuits d’hôtel qui sont intéressantes évidemment, ce qui est sympas c’est que les gens qui vous hébergent ont envie de recevoir des étrangers et d’échanger. C’est un super moyen de faire des rencontres.
Les russes mangent très souvent de la soupe, midi comme soir. Voici une recette de la soupe traditionnelle russe à base de betterave rouge.
Ingrédients pour 4-6 personnes :
2 L d’eau
500 g de chou blanc (coupé en petits dés)
4-5 pommes de terre (coupées en petits dés)
1 betterave rouge (la râper)
1 oignon haché
2 carottes (les râper)
1 tomate (coupée en dés)
2 cuillères à soupe de vinaigre
2 pincées de sel
3 branches de persil
2 branches d’aneth
10 grains de poivre noir
10 grains de coriandre
2-3 feuilles de laurier
1 pincée de poivre noir moulu
1 cuillère à soupe de crème fraîche ou de fromage blanc par assiette servie
Préparation :
- Mettre l’eau dans une grande casserole et faire bouillir.
- Jeter dans l’eau bouillante le chou, les pommes de terre et laisser cuire à feux doux.
- Dans une poêle, mettre un peu d’huile et faire rissoler l’oignon jusqu’à ce qu’il brunisse puis ajouter les carottes et la betterave râpée, la tomate et le vinaigre.
- Mettre ensuite les légumes dans la casserole, ajouter le sel, les herbes aromatiques (persil, aneth, laurier) et les grains de poivre et de coriandre.
- Laisser cuire à feux doux 30 minutes. Goûter de temps en temps pour voir si les légumes sont cuits.
- Servir dans des assiettes creuses avec une cuillérée à soupe de crème fraîche ou de fromage blanc par-dessus et une pincée de poivre noir moulu.
Chez nous, on en voit peu. Encore moins après les campagnes de pub anti-fourrures qui ont défrayé la chronique il y quelques années. Ici, les manteaux et les chapeaux en fourrure sont légions. Toutes les femmes qui ont assez de moyen pour se payer ou se faire offrir un manteau portent des tenues superbes et tellement adaptées au froid ! Rien n’est plus isolant que la peau des animaux. Au début ça semble curieux de voir autant de fourrures. Je dois bien dire que, sans vraiment m’être posé la question, j’avais plutôt un apriori négatif sur les manteaux de fourrures. On a tendance à imaginer un gentil bébé phoque ou un pauvre Bambi égorgé pour sa fourrure par un vieux trappeur sadique. Et puis finalement, en y réfléchissant et en rencontrant les fameux trappeurs, j’ai compris que d’abord, on ne tue plus les bébés phoques depuis longtemps, et que les fourrures sont pour les trappeurs un moyen de granger leur vie en participant en tant que prédateur à la régulation des espèces et à l’équilibre de la nature. Et puis, à l’image des rennes dont chaque partie du corps est mangée ou utilisée (à part les sabots inutiles, il ne reste rien d’un animal abattu), les animaux ne sont pas tués que pour leur fourrure. Leur viande est mangée par les hommes, les restes par les chiens. Même les tendons des rennes sont utilisés pour faire du fil à coudre ultra résistant ! On est loin du gaspillage de nos régions. Et puis, vu qu’on est capable d’élever des poulets en batterie et de gaver des oies pour leur foie, je ne suis pas sûr qu’on ait des leçons à leur donner. Alors finalement, la fourrure je suis pour. Je vote pour l’écologie des trappeurs et de la foret, plutôt que pour l’écologie de la sensiblerie et de Paris.
Entre février 2009 et octobre 2011, Claudine ARNAUD et Olivier BOROT ont mis de côté leurs situations professionnelles pour vivre une parenthèse sur les routes du monde. Près de 15000 Km à vélo sur 4 continents. 20 pays traversés et des étapes inoubliables avec les caravaniers de l’Azalaï au Mali, les tribus de Tanzanie ou les éleveurs de rennes de Sibérie. Ils racontent aujourd’hui leurs aventures dans un recueil de carnets de voyages et dans leurs films qu’ils projettent en conférences partout en France.