Tout un art ! Quand les évenks construisent ou réparent leurs traineaux, ça semble facile. Je m’y suis essayé et j’ai… abandonné. Impossible. Ils travaillent essentiellement avec une hache puis avec un petit rabot pour les finitions et un ciseau à bois pour les assemblages. Manier la hache pour rendre carré un tronc d’arbre ou fendre à moitié une branche, n’est pas quelque chose de facile à réaliser pour un petit gars de la ville. Néanmoins, voir comment ils s’y prennent est impressionnant. Chaque partie du traineau est réalisée avec un type d’arbre spécifique pour bénéficier des caractéristiques du bois les mieux adaptées aux efforts que le traineau va devoir supporter. Aucunes mesures, tout est fait au jugé, et s’il faut raccourcir ou désépaissir un peu, un coup de hache bien placé et l’affaire est réglée. Impressionnant !
Dans le campement, lorsque les hommes ont besoin d’un renne à atteler ou à monter, ils réunissent les rennes dans le grand enclos et attrapent au lasso celui ou ceux qu’ils veulent. Olivier a voulu s’entraîner à cet exercice très difficile, mais il s’est exercé sur un tronc immobile plutôt que sur un renne lancé au grand galop.
La nuit, le feu s’éteint. Dans un tchoum il faut mettre plusieurs buches dans le poêle toutes les 30 minutes, alors la nuit il n’y a pas de feu. Le matin il fait froid. Il y a eu des nuits à -30°C. Même emmitouflés dans nos duvets avec d’autres couvertures par-dessus, l’air que l’on respire brûle. Le bout du nez qui est à l’air libre semble mordu par le froid alors on l’enfouit lui aussi sous une couverture. Le premier qui se réveille ou qui a le courage de quitter le cocon chaud du duvet, allume le poêle à l’aide des copeaux de bois et des écorces sèches de bouleau que l’on a préparé la veille. La température se réchauffe et tout le monde profite d’une heure supplémentaire de repos dans la chaleur en écoutant l’eau gelée dans la théière fondre puis crépiter lorsqu’elle boue. Tout le monde se lève alors (nous sommes 5 par tchoums) et nous prenons un petit déjeuner composé du repas de la veille réchauffé et de pain et beurre.
La journée est ensuite rythmée par les tâches à accomplir. Il y a une femme par tchoum qui est en charge de l’intérieur, de l’intendance, des réparations, de la couture et surtout de la nourriture et du thé. On mange plusieurs fois par jours, toutes les 2 à 3 heures, des pâtes, du riz et de la viande de renne à tous les repas. A l’extérieur, les hommes s’occupent de couper du bois, réparer les traineaux, rassembler les rennes. Ils partent parfois dans le froid « faire une course » sur leur traineau. Par course, il ne faut pas entendre acheter quelque chose car le village est à 30 km, mais aller rencontrer quelqu’un à un campement voisin, livrer des peaux ou chercher des vêtements ou du matériel laissés en dépôt dans un précédent campement. Quand il fait -30°C, les hommes restent le moins longtemps possible à l’extérieur. Entre deux coups de hache ils viennent se réchauffer près du poêle et fumer une cigarette avant de repartir dans le froid. Même bien équipés, c’est difficile de rester statique dehors pendant une longue période.
Le soir, tout le monde se retrouve pour écouter les nouvelles sur le mini poste de radio qui reçoit en crépitant « Radio Russie » et pour discuter à la C.B. avec les voisins ou avec les membres de la brigade restés au village. Après le repas puis une partie de cartes ou de mots croisés, tout le monde déplie les peaux de rennes que l’on pose sur les branches de sapin qui jonchent le sol pour nous isoler du froid et nous nous emmitouflons dans nos duvets pour la nuit.
Le chef de la brigade qui va nous accueillir est inquiet. Il regarde notre équipement, nos bonnets, nos gants, nos chaussures spéciales hiver et secoue la tête. “ Il fait -25 C, la nuit la température est encore plus basse, vous avez de bons duvets au moins ?” me demande-t-il. Nous avons des duvets prévus pour de telles températures qui ont déjà fait leurs preuves alors je réponds par un oui convaincu. Il me montre nos vêtements et me dit qu’ils ne sont pas assez chauds puis il s’entretient avec les autres personnes présentes et plusieurs hommes sortent de la pièce où nous sommes tous réunis. Apres un moment, nous partons avec sa femme acheter la nourriture dont nous aurons besoin pour les semaines que nous allons passés sous les Tchoums, les Tipis de Sibérie, avec les enleveurs de renne de la brigade n°7. A notre retour, un équipement complet nous attend : chapka en fourrure, manteau et bottes traditionnelles pour Clau ; surpantalon et blouson chaud, bottes et bonnet en laine pour moi. On enfile tout ça par dessus nos vêtements et on sort vite a l’extérieur dans le froid avant d’étouffer !
RUSSIE, du 11 au 14 septembre 2009 – A bord du Transsibérien
Le Transsibérien fait notamment deux fois par jour des arrêts de plus de 20 min. C’est l’occasion pour chacun de descendre se dégourdir les jambes, mais aussi de faire quelques achats. Il y a des vendeurs qui proposent dans leurs paniers des boissons ou de la nourriture : beignets, poulets rôtis, pâtes lyophilisées… Mais il y a également les vendeurs de souvenirs de toute sorte.
RUSSIE, du 11 au 14 septembre 2009 – A bord du Transsibérien
Train mythique s’il en est, il relie Moscou à Vladivostok à l’extrême est du pays, 10000 kilomètres plus loin. Irkoutsk et le lac Baïkal se situent à mi-parcours et nombreux sont les touristes qui prennent le train entre Moscou et Irkoutsk avant de prendre le Transmongolien pour rejoindre Oulan-Bator, puis le Transmandchourien qui permet de rejoindre Pékin.
Il existe deux classes, parfois même une troisième plus luxueuse. Nous avons voyagé en classe 2 dite « Coupé » entre la frontière Russie-Mongolie et Irkoutsk et en classe 3 dite « Platzcard » entre Irkoutsk et Moscou. En « Coupé » les passagers sont dans des petits compartiments fermés de 4 personnes. En « Platzcard », la classe la plus populaire, tous les passagers d’un même wagon sont dans des petits box de 6 personnes et les box communiquent entre eux, les passagers circulant librement d’un box à l’autre par l’allée du wagon.
En montant à Irkoutsk, en plein cœur de la Sibérie nous avons mis les pieds dans un wagon où tous les hommes sont torses nus, arborant muscles énormes et tatouages impressionnants. Tous les passagers se mettent à l’aise en enfilant un jogging et des tongs, et l’ambiance est extraordinaire. Chaque nouvel arrivant se présente à ses voisins et les conversations s’engagent immédiatement. Les gens changent de place au gré des discussions, les magazines passent de main en main et les bouteilles de bière aussi. Et si quelqu’un fait des mots croisés, c’est tout le wagon qui est mis à contribution (nous n’avons pas trouvé l’ancienne monnaie française en 4 lettres commençant par L).
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Dans chaque wagon il y a deux « steward » qui se relaient jour et nuit pour assurer la propreté des toilettes, placer les gens et leur donner draps et matelas. Le wagon est chauffé et à chaque extrémité trône un samovar dans lequel tout le monde vient puiser l’eau chaude nécessaire au thé ou aux aliments lyophilisés. Le train s’arrête une ou deux fois par jour et les passagers peuvent alors descendre une vingtaine de minutes sur le quai. Pendant ces pauses, des vendeurs ambulants se précipitent pour vendre vêtements, nourriture ou bibelots spécialités de la région traversée. Nous avons même croisé un direct Moscou – Oulan-Bator rempli de commerçants mongols qui s’étaient vraisemblablement rendus à Moscou pour vendre des marchandises importées de Mongolie. Avant de rentrer chez eux. Ils écoulaient leurs invendus carrément depuis le train !
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Entre Irkoutsk et Moscou notre trajet aura duré 3 nuits et presque 4 jours pour 80 euros par personne.
Petite astuce pour les futurs voyageurs, pour un meilleur confort quand on voyage à 2 ; il vaut mieux prendre des couchettes superposées dans la partie du box où l’on est 4 (numéros entre 1 et 36), idéalement il vaut mieux éviter les box d’extrémités (numéros 1 à 4 et 32 à 36) pour ne pas subir le claquement des portes des toilettes et les odeurs de tabac des fumeurs qui se regroupent dans les zones entre les wagons. Les couchettes hautes sont les numéros pairs et les basses les numéros impairs (5 est sous 6, 7 est sous 8,…).
Bon voyage !
Entre février 2009 et octobre 2011, Claudine ARNAUD et Olivier BOROT ont mis de côté leurs situations professionnelles pour vivre une parenthèse sur les routes du monde. Près de 15000 Km à vélo sur 4 continents. 20 pays traversés et des étapes inoubliables avec les caravaniers de l’Azalaï au Mali, les tribus de Tanzanie ou les éleveurs de rennes de Sibérie. Ils racontent aujourd’hui leurs aventures dans un recueil de carnets de voyages et dans leurs films qu’ils projettent en conférences partout en France.